Le off de Hop



Non officielles, pas GMT du tout, des bribes de temps intercalées de traviole dans le rouage général. Un réseau d’allusions mémorielles en sous-entendant d’autres.
Des images incomplètes, mal fichues, minces dans les interstices, des laps fragiles. Donc invisibles presque, comme ce roman (Le roman invisible / Santo Rinaldi) dont il ne reste plus que les notes, et dont certaines servent ici d’illustrations, choisies par Emmanuel Kraft qui en assume la numérotation et l’authenticité. 
L'ensemble, images et notes, constitue le off de Hop, évidemment présent dans le projet final.

note 553

“This is the end”  / Jim Morrison / The Doors / 1967.


note 552

Effectivement. Cette thématique introduite dans le carnet noir n°142 (selon une numérotation qui semble réellement chronologique) arrive bien tard. Un remord ?


note 551

L.


note 550

”Les images, dans leur rémanente épure , scandent la lourde pulsion du présent. L’œuvre, dans sa temporalité exigeante, devient le miroir du doute existentiel du spectateur”. On pourrait traduire par : “Quelques séquences figées, un (peu) longues”. Mais bon, s’asseoir devant une horloge. 


note 549

Oui, on peut s’interroger sur l’intérêt de tout ça. Du temps perdu ? Ça serait balot.


note 548

En marge : “Fini la rigolage”. Mais sans date : on n’est pas sûr qu’elle a commencé.


note 547

La “coulisse” (la lisse du métier à tisser), les vapeurs de la sylphide : l’horloge de Baudelaire, démontée, devient une machine célibataire.


note 546

Une autre version, ailleurs : “Ponctuelle, elle apparut dans la nuit de l’été, comme prévu. Pour mieux la voir, nous étions montés sur une hauteur du Pilat. Elle était là, avec sa traîne immobile, impeccable. Très belle. On est resté longtemps, il me semble, quoiqu’en fait je n’en sais rien, à l’observer. Fascinés : soudain nous étions dans le cosmos”.


note 545


Un autre K., pris pareil dans un engrenage, inexorable mais “conventionnel”, d’une comptabilité horaire.


note 544

Voir, entre autres, “Le temps et sa flèche “ et les autres ouvrages d’Etienne Klein. En suivant les bibliographies, on se perdra à coup sûr. 


note 543

“Le Temps nous est gare – Le temps nous est train”. Bon, dans la liste des références on se demande un peu ce que vient foutre celle-ci, de Prévert. On s’en serait passé. 


note 542


Rétrospectivement la vie du “héro imparfait” apparaît comme un éternel contretemps. Le vent du boulet y souffle en permanence. 


note 541

Beaucoup de coqs prétendaient à la suprématie horaire. Personne n’en tenait compte évidemment, mais quand même, les tenir éloignés, quel tracas inutile.


note 540

“L’axe du canal donne sur le Pico”. S’empilent ainsi les références volcaniques : le Misti (note 476), le Suc de la Gravenne, le Vésuve,… et quelques caldeiras qui font du tellurique un garant de l’aléatoire général. Il n’est pas question de repères géographiques, mais bien de repères temporels dont l’instabilité, potentielle ou réelle, ponctue l’ennui des paysages existentiels et le fatalisme des systèmes mémoriels.  


note 539

Oui, le Giers, pourquoi pas. Dans les archives des S.T. on trouve bien la liste complète des rivières indiquées sur les panneaux autoroutiers entre Montélimar et Paris.


note 538


Le Rhône, le Mékong, le Taret et le Roubion, le Parana…, la liste des fleuves, des rivières, est trop longue pour n’être que la banale métaphore du temps qui s’écoule. D’autant que finalement on ne se baigne dans toute cette histoire que dans l’Ardèche et le Sôana. 


note 537


Le réseau, les satellites, ont supprimé les temps de réponses qui rendaient impossibles les conversations téléphoniques intercontinentales via les câbles transatlantiques. Elles n’en sont pas forcément plus fluides, d’autres décalages persistent.


note 536

Une redite encore (mais dans cette partie-là la superposition des récits volontairement s’accentue). Le  même rêve récurrent des nuits de fièvre de son enfance : l’énorme pierre ronde qui oscille au fond du jardin va bientôt s’ébranler, rouler, écraser la maison, l’écraser lui. (cf. archives des S.T.)


note 535


L’ouverture l’était moins, éclair, compliquée par le rêche textile et la précipitation. 


note 534

Le mécanisme de John Harrison était bien en bois. Alors pourquoi pas des bouts de ficelles.


note 533

L’époque aurait voulu qu’il ait perdu son temps, puisque passé 50 ans, S.R. constate qu’il n’a pas de Roleix. D’ailleurs il n’a même pas de montre, c’est sa “vanité invisible“. 


note 532


On se demande ce qu’il fout là, mais il est toujours là. Il arrive à l’heure, pile : la ponctualité est peut-être un moyen de passer inaperçu, une tactique d’espion. Mais la cravate, impeccable, est trop bien nouée : toute la ville l’a repéré. 


note 531


Au sud de Batna, quelque part dans les Aurès. Toute la journée ils cherchent. C’est Zaïd qui conduit. Indiqué sur un Guide Bleu des années 50, l’endroit est introuvable. Oublié. 


note 530

Sur la time line, elles refont leur numéro.


note 529


Le lendemain la mémoire (8 gigas) lui revint. 


note 528


L’affichage du cadran digital et lumineux fonctionne impeccablement : comme aucun système horloger ne lui est associé, il ne change que par la manipulation volontaire d’un intervenant occasionnel. On est bien dans le temps réel. 


note 527

“ Elle dit qu’elle ne s’ennuie pas. Elle le répète parce que maintenant elle répète tout, chaque phrase, chaque geste, parce que tout s’en va vers l’oubli, même le plus immédiat, d’emblée. Tu te rends compte ? Et elle redit son age en souriant. Tu te rends compte ? Je dis que oui, mais non, je ne me rends pas compte. Je sais juste que je me rendrais compte trop tard.” (Archives ST)


note 526

Pierre Eugène Mondelin, inventeur d’un système de balancier mécanique appliqué sur la transmission d’un éphémère prototype des années 50, connu par de rares connaisseurs sous le nom de “Trotino”. 


note 525

Une faille. Un instant elle s’absente du brownien alentour, se concentre sur un monde intérieur aussi immense que le vide de son regard. Sentir cela, constater cette absence au présent, à chaque fois l’étreint, le renvoie à d’autres abîmes. 


note 524

Demain. Autour de lui s’exaspère leur impatience, qui, jamais déçue, accroît la suivante. 

note 523


Un flop. La Clepsydre, au supposé affichage digital et végétal, perdit très vite ses prétentions poétiques dans un flot même pas tumultueux. On noya ce naufrage conceptuel dans un post tea-time rigolard. 


note 522

Au bout de la nuit, la discussion tournait autour des beautés cachées, ou étranges, celles des paysages urbains du continent. Ou bien alors il s’agissait de cette fille, qui descendait (c’est l’aube maintenant) avec lui de Santa Teresa, dans un tram attrapé au vol.


note 521

Elle dit que cette fois-ci, sûr, elle était à l’heure, en avance même. Personne n’étant là, nul ne confirme.


note 520


“Le lendemain où elles firent leur numéro, douze et noir, élégant…” Soit la même faute de syntaxe qu’Aragon s’approprie (“La veille où Grenade fut prise”/ Le Fou d’Elsa)


note 519

La syntaxe de la phrase crée une ambiguïté, mais les fuseaux ne sont pas horaires . Pareil pour les minutes, ce ne sont pas elles qui sont interminables. Et qui au paragraphe suivant se croisent. 


note 518

Le spectacle est permanent et si les chaises placées en face de la scène, en extérieur maintenant, sont vides, c’est juste que le spectateur est devenu acteur. Le Théâtre du monde ne s’arrête jamais.


note 517

La ville devient la représentation plastique de l’espace mémoriel, où s’accumulent les bribes d’histoires et se superposent les réseaux qui les arpentent. A chaque coin de rues, les histoires se croisent, s’empilent. Ou alors un bout de trottoir se sanctuarise, devient monument mémoriel, intouchable, comme ici, Porte de Vanves.


note 516


Jamais réalisé. Il s’agissait d’une réplique photographique de la fresque de la Gare de Lyon qui, de paysages en monuments, rejoint Paris à Menton sur toute la longueur de la salle des Pas perdus. Le projet initial prévoyait une double exposition, photos et peintures : une redondance pour souligner les incessants va-et-vient (et les pas perdus) sur l’axe PLM. (Paris, Lyon, et, pour le M, indifféremment Montélimar, Marseille, Marsanne,…)


note 515

Récurrence : dans cette version (la énième, mais avec chaque fois un léger décalage), Soledad, debout sur la chaise immergée prend elle aussi une photo. Il existerait donc un contre champ à cette histoire répétée à l’envi. (voir, entre autres, la note 426)


note 514

Ce soleil parle en espagnol, et ses éclipses peuvent durer quelques années. Mais brille pareil, dans le paradoxe d’un “siempre” aussi immuable qu’aérien.


note 513

Un autre prélude à l’instant fatidique : “Au sommet du col, Louis s’arrête. Son regard (bleu, intense) suit le vol d’un corbeaux bruyant qui file au nord. Un présage ? La ligne fictive, partant de lui et passant par la crête où a disparu l’oiseau, rejoint un point, loin, quelque part au bord de la Baltique, où quelques années plus tard, un revolver sur la tempe,… ” (Archives ST)


note 512

La bise était légère mais le temps épais. L’ennui se collait partout, poisseux, qu’il fasse beau ou encore beau. Toute cette campagne, tout ce présent. On n’était qu’en juillet. 


note 511

Bergson, se relisant, prend soudain conscience du temps.


note 510

Le barriot, lancé à toute berzingue dans la descente de la Chassagne, file bien à la vitesse de… au moins. Enfin pas sûr : le chronomètre n’étant que vocal, scandé à haute voix, ça donne lieu à quelques contestations. Surtout que là, c’est évident, une voiture avait gêné.


note 509

“Sur l’agenda, sitôt levé je pus lire : tâcher de se lever à six heures. Il était huit heures ; je pris ma plume ; je biffai ; j’écrivis au lieu : Se lever à onze heure. – Et je me recouchai sans lire le reste.” (André Gide / Paludes).


note 508


Derrière l’allégorie (une Parque sans doute, avec le T du temps), les portes (closes) de l’enfer. Ceci dit si la topographie Rinaldienne situe de nombreux passages aux enfers, elle ne précise jamais de quel côté ils se trouvent. 


note 507

On avait veillé pour voir ça. On se souvient de tout : du téléviseur dans un salon, de l’été, des grillons dans la nuit. Mais on ne se souvient pas de l’image elle-même. On sait qu’elle était en noir et blanc, qu’il y avait un drapeau, mais Amstrong, posant le pied sur la lune, non. 


note 506

Le temps filait et il ne restait au diable que des détails. Alors on s’attardait sur des petits riens futiles, oublieux de l’essentiel. Et qu’un seul grain de sable pouvait tout foutre en l’air. 


note 505

SR, fasciné, dira ailleurs : “Elle est au bord du monde. Prête à ne plus être là, ou bien elle est là sans y être. Son temps suit l’étrange eurythmie d’autres synchronismes. C’est une muse”.


note 504


Toujours la même problématique : comment virer le photographe. Ici le sujet, en appuyant lui-même sur le bouton, déclenche un autre appareil placé en face de lui.